« Le compositeur à l’œuvre : François Sarhan » © Yves de Peretti.
Le Cdmc (Centre de documentation de la musique contemporaine) réalise des entretiens filmés qui ambitionnent de donner la parole à des compositeurs représentatifs de la jeune création musicale. Interviewés par des musicologues, ils sont invités à parler de leurs œuvres, leurs parcours, leurs projets, leurs idées sur la musique et la situation actuelle de celle-ci dans la société.
Nous vous proposons aujourd’hui de découvrir celui de François Sarhan mené par Grégoire Tosser.
Entretien: Grégoire Tosser
Réalisation: Yves de Peretti
Moyens techniques: Ateliers Varan
Durée: 17 min 56 sec
Date d’enregistrement: Dimanche 09 Décembre 2012
Lieu: Cdmc
Co-production:
Centre de documentation de la musique contemporaine (Cdmc)
Département Arts-musique (RASM) de l’Université évry-Val-d’Essonne (UVE)
Avec le soutien du ministère de la Culture et de la Communication et de la Sacem
« L’aventure, c’est l’aventure »
Des cinq premiers compositeurs contactés pour le tournage de leur portrait, à la fin de l’année 2012, François Sarhan est le premier à se montrer disponible, le mercredi 5 décembre. En (trop) bons élèves, Max Noubel et moi-même avons élaboré, quelques semaines auparavant, un questionnaire sous la forme d’une feuille de route de trois pages, qui recense ce qu’il nous apparaît indispensable d’aborder dans un portrait digne de ce nom. Ce questionnaire va immédiatement voler en éclats lors des courriels préparatoires échangés avec Sarhan : il ne désire pas aborder sa biographie, ni son parcours ; il se dit « à peine compositeur » ; il ne se reconnaît dans « aucun courant » ; il se moque des institutions ; ses œuvres ne relèvent d’aucun genre ; il ne croit pas en la musique ; « la seule question à laquelle [il] répondr[a] directement, c’est sur les concepts sur lesquels reposent [s]a création. Les autres seront abordées de biais, à travers cette question centrale. » Le contenu sera donc préservé, c’est finalement l’essentiel.
D’emblée, nous sommes prévenus : ce portrait alpha, que l’on imaginait se poser naturellement en modèle pour les autres, ne ressemblera à aucun autre. L’inquiétude grandit les jours précédant le tournage. Lorsqu’Yves de Peretti choisit l’emplacement des deux chaises, face à face, dans la salle principale du CDMC, François Sarhan est particulièrement bien disposé. La relation de confiance s’installe, cimentée par la rencontre autour de la connaissance de ses œuvres, jusqu’à la visée finale du portrait. Le cadre formel a explosé, il ne peut plus être ; le « chapeau de présentation », imaginé pour introduire le compositeur, n’a plus de raison d’exister. Place à la continuité dans les réponses, à la posture vis-à-vis de la caméra, à l’intelligence du regard porté sur sa situation aujourd’hui.
Et puis, au cœur de la matinée, il y a cette idée de Sarhan de filmer le percussionniste Samuel Favre en extérieur, en train d’exécuter la pièce Homework. Il fait un froid glacial et on ne sait trop où se placer : la fontaine est trop sonore, le CNSM trop connoté en toile de fond. Reste la bouche du métro Porte de Pantin ; Samuel Favre s’assoit à gauche dans les escaliers, laissant les voyageurs, inclus eux aussi dans le champ de la caméra, aller et venir sur la droite. Intrigué et amusé, un homme vient s’immiscer dans la performance : un happening non préparé et extraordinaire qui parachève le tournage en nous imposant cette leçon : que l’adéquation entre le compositeur et son portrait doive provenir de cette expérience fondamentale.
Grégoire Tosser