Sorti il y a treize ans de cela, il semble important de revenir sur ce Grand Huit, premier disque de David Fenech. Réédité aujourd’hui chez Gagarin Records (label créé par Felix Kubin, qui considère le disque comme l’un de ses préférés de tous les temps !), force est de constater que ces expérimentations « de jeunesse » possèdent encore un certain intérêt au long de l’album. Enregistré à l’époque sur cassette 4 pistes, ce disque aurait pu souffrir d’un aspect un peu limité bien qu’artisanal, mais il n’en est rien…
L’univers sonore singulier qui se déroule tout au long de l’album évoque un genre de voyage dans des contrées lointaines et étranges, un monde à la Charles Burns, en moins lugubre. On commence par un tour de « Petit Huit », qui propose un genre de comptine en langage imaginaire, très courte, avec une ligne de batterie jazz accompagnant la voix susurrée, un peu nasale, faisant penser à un genre de proto-funk « père ubuesque », sur un fond de voix d’enfants. Ensuite, toujours dans cette fête foraine déglinguée, on croise au hasard un petit garçon qui récite sa leçon, des synthés groovant des clusters sur des ambiances minimales, on aperçoit un accordéon tournicotant par dessus des cloches dans le « Lacher de Lucioles/Jukebox », un fond d’orgue de barbarie appelant le chaland à entrer dans la tente, où on se retrouve écouter un spectral monstre de foire, chimère de Tom Waits et Ghedalia Tazartès sur le « Bœuf Bourguiba/Opéra en Toc ». Le tout tend vers le tour en « Grand Huit », pour finalement sortir de la boucle sur le titre « Solaris », qui commence par une discussion avec une présence féminine sur l’intérêt ou non de la science-fiction. Finalement, au bout de douze titres, l’album se termine sur « Feel That Love », un titre lent accompagné à la guitare acoustique.
Le parcours de David Fenech n’est pas conventionnel : son travail du son, allant des musiques de films aux arts sonores, en passant par le field recording, la composition électroacoustique, le free-jazz, la création radiophonique, etc., est un exemple de ce qu’est aussi « faire de la musique » au XXIème siècle. Son approche multiple et sa curiosité peuvent notamment croiser celles de Luc Ferrari, par son goût de l’anecdote d’enregistrements de terrain, l’humour sous-jacent de sa musique, les approches du collage, tout en réactualisant ce sens de la bidouille et de l’expérimentation propres au revival du Do It Yourself. Autrement dit, même treize ans après, on est toujours dans la boucle du Grand Huit.
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